Art(s) et littérature >> Le Guetteur [VinzWallbreaker's novel]
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Lundi 01 Juin 2015 - 15:04:36

Salut à tous. Pour celles-et ceux qui ont lu mon texte Fomorii je vous propose une suite à cette histoire. J'implore d'entrée de jeu votre indulgence face aux (nombreuses) fautes qui doivent émailler ce récit. Mais bon.





Le Guetteur


Peut-être êtes-vous au courant de ce qu’il m’est arrivé il y a quelques années lorsque j’habitais du côté de Lorient. Je pensais que m’exiler dans les montagnes me sauverait. Las. Je vais consigner au mieux les faits étranges dont j’ai fait l’objet il y a quelques semaines et qui m’ont coûté, sinon la vie, ma sérénité et ma santé mentale. Je pense d’ailleurs que ce témoignage sera mon adieu à ce monde. Peut-être me croira-t-on. Peut-être pensera-t-on que je suis effectivement dément et que seule ma Conscience malade et désorientée ou un choc cérébral dû à ma chute à pu imaginer ce que je vais tenter de coucher de ma plume sur ces quelques feuilles de papier. Il est possible que mon récit soit un tant soit peu décousu et chaotique. Mais je ne peux écrire que par petits moments. Je ne souhaite pas être le sujet de railleries de la part des infirmiers de l’établissement où je me trouve. Ni qu’ils puissent se servir de mon histoire pour me droguer encore plus. Je dois donc me cacher pour noter ces quelques lignes.

Suite à ma mésaventure, non, mon calvaire, oui c’est cela, mon calvaire… Donc suite à mon calvaire maritime où j’ai rencontré l’horreur la plus abjecte qu’il soit et je suis sûr maintenant que c’est arrivé pour de vrai, j’avais fui la côte et ses hideuses menaces pour me réfugier en haute altitude dans un petit chalet ma foi fort charmant et chaleureux et tenter de redevenir ce que j’étais avant : un homme normal.  J’y parvins presque. Le grand air et l’absence d’étendue liquide me rabibochèrent en quelques mois. Et je pris rapidement le pli à faire de grandes promenades dans les montagnes. En été comme en hiver. J’appris les Dangers des crevasses, glaciers, éboulements et autres spécificités du relief escarpé et prenais un immense plaisir à aller et venir entre monts et vallées. Je pu Observer des chamois batifoler sur les versants abrupts, approcher des marmottes sympathiques, pêcher des truites sauvages dans les torrents et les fumer moi-même. Bref, je vivais au rythme de la nature et cela me convenait à merveille.

Où, en étais-je ? Ah oui. J’ai dû interrompre mon récit, un surveillant est venu pour m’apporter des remèdes.

Alors, je sortais donc quotidiennement, même lorsqu’il neigeait abondamment comme cette funeste journée. Il avait neigé toute la nuit et le paysage que je vis au réveil était tout simplement grandiose. Le ciel était d’un bleu pur et l’ensemble du panorama était d’un blanc immaculé et vierge de toute trace. Tout était lisse, cotonneux et magnifiquement attirant. Je m’équipais en hâte pour profiter au maximum de cette ouate bienfaisante. Je partis vers neuf heures moins le quart et entamai ma randonnée par remonter la longue pente à gauche de mon logis qui mène vers un petit promontoire où j’ai très souvent observé les alentours et la nuit, les étoiles. Arrivé sur l’avancée rocheuse je m’empli les yeux du paysage, le même que d’habitude mais finalement jamais pareil à la fois précédente. Ensuite je m’attaquai à gravir une pente plus prononcée que j’ai escaladé de nombreuses fois. Il me fallu une bonne heure pour arriver au col. Là j’avais le choix, à gauche vers les crêtes ou à droite redescendre vers le Glacier et remonter par la « petite muraille ».  J’optai pour ce parcours. Il me permettait de faire une boucle et non un aller-retour (que je déteste particulièrement), de plus à la « petite muraille » il y a un gîte agréable.

Bon, il est tard mais je dois me dépêcher de finir d’écrire mon histoire, je n’ai pas pu écrire du reste de la journée. C’est donc à la lueur faiblarde d’une bougie que je vais poursuivre ma rédaction. J’avais donc décidé de passer par le glacier. La descente se déroula sans encombre, mes pieds chaussés de raquettes à neige laissaient des traces caractéristiques et profondes dans mon sillage. J’appréhendais un fin de matinée le côté droit de la moraine. Faisais une pause pour me reposer un peu et manger vers onze heures et demie. Et reprenais ma progression vers midi et quart.  Le soleil était vif et radieux et m’éblouissait allègrement. J’avançais péniblement, la neige étant à cet endroit particulièrement épaisse et volatile. J’ai beau connaître ce lieu, avec cette blancheur omniprésente et aveuglante je ne perçu que trop tard que j’avais dérivé quelque peu et marchais à présent sur le glacier et non le long de celui-ci. Lorsque je m’en rendis compte je me hâtai de rejoindre le bord. Et c’est à ce moment là que le sol s’ouvrit sous mes pieds comme la gueule de quelque monstre affamé et sournois. Je me rattrapai à la paroi mais trop tard. Mon corps chargé de matériel chuta dans l’abîme et je glissai pendant d’interminables secondes qui me parurent des heures. J’heurtai au passage plusieurs saillies glacées et coupantes comme les dents d’un loup gigantesque et lorsque ma glissade prit fin plusieurs mètres plus bas j’étais contusionné et entaillé à de multiples endroits. Malgré la profondeur à la quelle je me trouvais, il régnait une clarté suffisante pour que je puisse rapidement faire le point sur mes blessures. Dans ma chute mon sac s’était désolidarisé de moi et avait chu plus loin. La douleur qui me lança la jambe droite était telle que je me résignai à ramper jusqu’à mon sac pour y trouver de quoi me panser. Fort heureusement je n’écopai que de blessures assez légères mise à part ma jambe droite dont le genou était déboité. Au prix d’une douleur aigue comme je n’en avais jamais éprouvé jusqu’alors je pu remettre ma jambe en état. En bricolant une canne avec les reste de mes raquettes j’étais en mesure de reprendre la marche. Mais cette fois pour trouver une sortie. Car l’ouverture qui m’avait engloutie était tout bonnement impossible à escalader. La seule solution se présentait devant moi sous la forme d’un étroit boyau de glace qui s’engouffrait dans les profondeurs de la terre. Je n’avais pas du tout envie de suivre cette voie la, mais avais-je le choix ? Péniblement je me mis à claudiquer dans le fin couloir. Aussi surprenant que cela puisse paraître à mesure que je m’enfonçais dans les entrailles froides du glacier la luminosité ne déclinait point. Il régnait en permanence une clarté étrange qui me permettait de distinguer où je posais mes pieds. Finalement mon moral remontait. J’allais surement déboucher à un endroit où je pourrais ressortir de ce piège. Si j’avais su.





Lundi 01 Juin 2015 - 15:05:34

Pardon pour cette interruption. J’ai cru entendre un bruit au dehors de ma cellule et puis je me sens épié, en permanence. Vous savez, cette sensation que quelqu’un ou plutôt quelque chose vous observe et devine tout ce que vous pensez.
Bon, passons. Donc : Si j’avais su que le chemin qui s’ouvrait devant moi était celui de l’antichambre de l’enfer et le tombeau de ma raison j’aurais tenté ma chance à escalader les quelques vingt mètres de parois glacées de la crevasse quitte à en mourir.

Excusez-moi, mais j’ai du mal à poursuivre.
Ah, je viens de relire ce que j’ai écrit.
Voilà, à mesure que j’avançai, je descendais. Et malgré cela la luminosité restait égale et suffisante pour que je voie où je mettais les pieds. De temps en temps le couloir remontait en pente légère avant de redescendre à nouveau. Il régnait un Silence oppressant rompu parfois par un craquement de glace sinistre et inquiétant qui me rappelait que je déambulais sous des tonnes de glace fragile prête à m’écraser et à m’emprisonner pour les siècles des siècles. Je me hâtais autant que ma jambe blessée me le permettait. J’avais perdu la notion du temps. Depuis combien de temps étais-je là-dessous ? Je n’avais aucun moyen de le savoir. En me retournant je m’aperçu que le chemin que je croyais relativement droit était en fait légèrement arqué sur la droite.
Je…
Pardon. J’ai cru entendre… Non sentir quelque chose. Foutus médicaments. Ils me dégomment l’esprit et me font croire qu’il y a des choses autour de moi. Si seulement je pouvais sortir. Non dehors c’est pire. Si seulement je pouvais en finir. Non d’abord terminer mon récit. Ensuite, et seulement ensuite partir. J’ai réussi à amasser suffisamment de médicaments pour me plonger dans un profond sommeil sans fin.

Ahhh. Misère.
Il faut que j’écrive, c’est mon but, mon ultime but rien d’autre ne compte.

La faim. Elle commençait à se faire sentir. J'en conclus qu'il devait être au moins seize ou dix-sept heures... Donc il devait faire nuit dehors. Mais pas là où je me trouvais. L'étroit boyau avait fait place progressivement à un passage plus large. Mais surtout très régulier, un peu trop pour être naturel. Quand je réalisai ceci je fus pris d'une bouffée de chaleur et d'angoisse incommensurable. Où étais-je donc arrivé ? Si je me basais sur ma vitesse de progression et l'heure supposée je devais avoir dépassé l'autre bord du Glacier depuis un moment... A moins que je tournasse en rond selon une spirale démonique qui m'entraînait vers quelque lieu interdit.

J'en étais arrivé à ce point de réflexion lorsque je débouchai dans une vaste "salle" dont je ne pouvais apercevoir ni l'opposé, ni le fond. Un terrible vertige aspira mon être et me fit perdre connaissance. Quand j'ouvris les yeux il régnait toujours cette même luminosité fantasmagorique. A partir de ce moment là je ne Pus plus du tout me rappeler de la moindre notion temporelle. En tentant de me relever en prenant appui sur mes bras une... Comment dire... Une force ? Une chose ? Une présence ? Bref "quelque chose" me tira en arrière et je me retrouvais sur une pente glacée interminable. Je sentais surtout que le moindre mouvement me ferait déraper dans l'abîme sournois. Mais je ne pouvais rester là.

Veuillez pardonner les tâches sur les dernières lignes. Mais mon nez s'est mis à saigner comme à chaque fois que je me remémore cet instant. Enfin ce fait. Car comme je l’ai dis, la temporalité m'avait complètement échappée depuis.
Je m'égare encore. Heureusement que je ne prend pas toutes leurs satanées drogues. Elles me démolissent suffisamment comme ça. JE N'EN AI PAS BESOIN !!! Bande de charlatans... Je ne suis pas malade. Je…
Bon. Assez de digressions inutiles.
Reprenons.

Avec d'infinies précautions je me mis à ramper avec pour objectif la zone horizontale pierreuse. J'avais presque réussi. Mais par une inexplicable attraction mon corps parti à l'opposé du but que je tentais d'atteindre. Je me mis à glisser inexorablement vers mon destin. Je pris de la vitesse petit à petit, emporté par la pente givrée. Mais assez étrangement cette accélération n'était ni brutale ni continue. Mon allure semblait modérée contre toute attente et contre toute logique malgré l'angle de la pente qui devait avoisiner les vingt degrés. Encore une fois je suis bien incapable d'évaluer la durée de ma glissade. Mais une chose est à peu près sûre : cela dura fort longtemps.
La cloison glacée défilait sans cesse à ma gauche. Je vis passer devant moi des kilomètres de parois sans pouvoir ni m’agripper ni ralentir. Je descendais, inexorablement. Encore et toujours. Mon esprit était hypnotisé par le son que produisait mon corps glissant sur la surface givrée et par ce défilement ininterrompu de neige tassée. J’y voyais des formes vagues et éthérées. Puis le mur se changea en pierre alors que le sol était toujours de glace. Je dérapais toujours. Toujours plus bas. Suffisamment pour que j'atteigne une profondeur telle que je suis persuadé, encore aujourd'hui, d'avoir atteint le niveau zéro. Je dis ça parce que...




Lundi 01 Juin 2015 - 15:06:40

Le fait de revire tout ça m'a fait perdre mes repères et je n'ai pas vu arriver l'aurore. J'ai failli me faire surprendre par le surveillant. Et aujourd'hui j'ai perdu un temps précieux car c'est le jour du bain et de la promenade obligatoire. Je n'ai donc pas Pus finir mon histoire. Par contre j'ai réussi à subtiliser un flacon d'alcool qui devrait m'aider quand viendra le moment de partir.

J'avais atteint le niveau zéro, enfin le niveau de la mer. Je le sais car je fut immédiatement agressé par une odeur nauséabonde que je ne connaissais que trop bien et que j'avais fuis. Vous savez de quoi je parle ? Cette puanteur écœurante que produit l'iode répugnante, le varech pourri et les mille choses immondes qui vivent et meurent dans l'horrible masse liquide qu'est la mer. La sournoise. La dévoreuse.
Ma glissade prit fin avec cette flagrance infecte. Mon corps s’immobilisa sur une surface sablonneuse, noire et humide. A bout de force je me forçais néanmoins à m’asseoir et tenter de reprendre le contrôle de mon esprit. J’étais à quelques mètres seulement d’une immense étendue d’eau salée. Ici la clarté avait quand même un peu diminuée et je ne pouvais voir qu’à quelques dizaines de mètres seulement. Au Sol des coquillages étranges, ou du moins c’est tel que je pourrais éventuellement tenter de les décrire, se déplaçaient ça et là, dessinant des motifs géométriques horribles, le tout dans un Silence douloureux. Une petite quinte de toux surgit de ma gorge, brisant ce calme oppressant et envoyant une onde sonore qui fut complètement absorbée. Comme si je me trouvais dans une pièce remplie de coton. Sauf que j’étais dans un lieu illimité. Une envie me prit et je criai un son fort et puissant… Il fut absorbé lui aussi. Pris de panique je réitérai l’expérience et à ma grande surprise et incompréhension je perçus un écho. Le même que celui qu’aurait produit mon cri dans les montagnes.
D’ailleurs, en y réfléchissant bien, j'étais en fait aux pieds de montagnes dans la montagne... Avec à mes propres pieds, la mer. Cette entité liquide avait réussi à me rejoindre, ou plutôt à m'attirer à elle alors que je m'en étais éloigné de plusieurs centaines de kilomètres.
Et maintenant ?
Qu'allais-je faire ?
Les étranges coquillages continuaient leur sarabande mathématique traçant sans relâche leurs symboles invraisemblables en émettant maintenant des bruits qui me rendaient nerveux. L'eau jusque là parfaitement calme et lisse s'était mise à onduler malgré l'absence totale de vent. Cela se traduit par l'apparition d'un minuscule clapotis qui se chargea rapidement d'effluves nauséabondes qui n'avaient de but que de celui de me faire craquer. Et cela fonctionnait à merveille. Entre ces vaguelettes démoniaques pestilentielles et les mollusques infernaux mes nerfs étaient rudement abrasés.
Et ce n'était qu'un début...

Oui. Le début.
Car ceci ne constituait que le prélude à la plus horrible expérience qu'un humain puisse subir.
Sans m'en rendre compte, mes mains s'étaient portées à mes oreilles dans une vaine tentative de taire ces affreux bruits. Un courant d'air glacial dans mon dos me fit frissonner comme jamais. J'avais la nette impression que quelque chose était apparu derrière moi. J'étais tétanisé et l'idée même de me retourner était impossible à formuler. Je savais que quoi qu'il puisse se passer dans mon dos, ce ne pouvait être qu'insanité et effroi. Quand la tentation de me retourner fut plus forte que l'épouvante que je vivais, je pivotais la tête.
Mon dieu. J'ai des hauts le cœur quand j'y repense. Il faut que j'aille...
Désolé pour cette interruption, mais j'ai rendu l'intégralité de mon repas sur mon lit. J'en connais un qui ne va pas être content. Bien fait pour lui, ce n'est qu'un sale... Type. Un sale type. Je n'arrive plus à me concentrer. Les remontées acides me brûlent. Il faut absolument que je finisse. Car vous ne savez toujours pas ce que j'ai vu, entendu, touché au fond de ce monde à l'intérieur du monde.

J'avais pivoté ma tête, les yeux clos. La peur celait hermétiquement mes globes oculaires. S'il n'y avait pas eu ce bruit je crois que je n'aurais jamais eu la force de contempler l'impensable. Mais en entendant ce son inconnu ma curiosité (quel très vil défaut) prit le dessus et mes paupières sautèrent. Et je vis. Cette entité gravée dans la façade de roche luisante qui me scrutait de son regard lithique antédiluvien. Sa ressemblance conforme au monstre de mon souvenir me donna l'impression que j'étais de nouveau confronté à cette abjecte chose. Ma température corporelle chuta d'un seul coup pour passer en négatif... Instinctivement je reculais de manière désordonnée en proie à une panique viscérale et incontrôlable. Ce n'est que lorsque mes mains rencontrèrent l'eau froide que je stoppai ma reculade. Et ce n'est qu'alors que je réalisais qu'il ne s'agissait que d'une sculpture. Mais si réaliste et si menaçante que j'avais vraiment cru être devant le modèle original. Au milieu de sa gueule informe se dessinait une ouverture dans laquelle j'apercevais un escalier. Une longue succession de marches s'enfonçant encore plus loin dans les entrailles de la terre guidant le fou ou le téméraire vers les secrets des origines du monde. Ma raison m'avait-elle déjà quittée lorsque je m'approchai de la gueule béante pour tenter d'y discerner quelque chose ? Je ne saurais le dire, mais je pu distinguer deux choses : la première, la source du bruit qui m'avait fait ouvrir les yeux qui n'était autre qu'une espèce de ver de vase monstrueux, blanc laiteux et immonde, bicéphale de surcroît, dont les nombreux yeux atrophiés et rouges semblaient néanmoins capable de percer la pénombre ; la seconde, que l'escalier ne semblait pas s'enfoncer sous les eaux mais bel et bien dans un tunnel dont je ne pouvais apercevoir le bout. Une fois l'horreur blanchâtre rampante et ondulante passée je senti une sorte d'attraction prendre possession de mon corps et m'enjoindre de descendre marche après marche vers l'inconnu.

J'aurais dû compter les marches. Ca m'aurait donné une vague idée de la profondeur supplémentaire que j'atteignais. Je...
Non.
Si.

Pardon.
Continuer. Je dois continuer.

Je débouchais devant une stèle gravée de symboles abscons et hideux sur lesquels je ne m'attardai point et passai outre. J'arrivai devant une ouverture sur ma gauche. Il y régnait une clarté ondulante qui m'intrigua. Je passai le porche de pierre et accédai à une pièce de taille colossale dont le sol était parfaitement lisse et noir et reflétait la luminosité qui m'avait attirée. Machinalement je levai la tête pour réaliser avec incrédulité que ce qui créait cette luminosité mouvante n'était autre qu'une formidable masse liquide qui filtrait la lumière de la grotte principale au dessus. Par je ne sais quelle force incompréhensible le plafond était l'eau qui se trouvait dans la caverne où j'avais échoué après mon infinie glissade. Un vertige inimaginable m'envahi. J'avais la sensation de me trouver les pieds au plafond au dessus d'un lac, or c'était bien l'inverse qui se passait. Il me fallu un bon moment pour me ressaisir. A travers l'élément liquide je distinguais une forme grisâtre qui semblait soit être immergé, soit flotter à la surface, enfin l'autre surface de cette nappe bipolaire. Comment aurais-je pu sortir indemne de cette expérience ? J'avançais, guidé par je ne sais quelle pulsion. N'importe qui, sain d'esprit, aurait rebroussé chemin depuis longtemps. Mais je continuais ma progression en boitant dans ce milieu irrationnel. Ça et là des ustensiles inconnus trainaient sur le sol. Un peu plus loin je découvris des sortes de jarres qui contenaient un immonde et inquiétant liquide visqueux blanchâtre à la surface duquel flottaient des espèces de « raisins secs » rouges bordeaux et dont l’odeur me retourna les tripes. Je pouvais discerner sur les murs, ou devrais-je plutôt dire les parois, d’autres sculptures que celles de la stèle. Des bas-reliefs. En m’approchant je pus, avec horreur, me rendre compte qu’ils représentaient des monstres horribles dont certains me semblaient « familiers ». Autre chose abjecte. Toutes ces sculptures semblaient avoir été exécutée sans l’aide d’outil. Les parois semblaient avoir été gratté par des milliers d’ongles déments. De temps à autre il me semblait ouïr des sons semblables à des discussions entre des êtres d'un autre univers. Malgré cela tout me semblait vide et abandonné depuis des lustres. Et pourtant. Je me sentais épié en permanence par des milliers d'yeux pervers et immatériels. Puis il me sembla distinguer au loin le bruit connu et caractéristique qui avait quelque chose de tellement normal qu'il me rassura un instant : quelque part s'écoulait une petite quantité d'eau en faisant ce plic-ploc si reconnaissable. Je me précipitai en claudiquant le plus vite que me permettait mon genou démis dans la direction d'où provenait cette douce et providentielle mélodie.

Bien mal m'en a pris.
Je hais l'eau.
J'abhorre ce liquide détestable !

J'accédais après une course des plus harassante, en nage, devant une zone comment dirais-je ? Chaotique, voilà le terme le plus approprié... Il y avait bel et bien quelques écoulements d'eau. Mais.
Et oui, il y a un "mais".
Mais ces écoulements s'effectuaient aussi bien de bas en haut, normalement serais-je tenté de dire, mais aussi dans le sens inverse ! Au même endroit se télescopaient deux notions inverses et contradictoires. L'eau chutait ET remontait.
Mes jambes se dérobèrent.
Ma chute provoqua un son étrange. Un bruit sec et caverneux dans lequel une étrange harmonique filtra en s'amplifiant encore et encore de manière diabolique afin de me submerger.
Je perdis connaissance.

Faute de place sur ma dernière page je dois stopper mon récit pour trouver de nouvelles feuilles.




Lundi 01 Juin 2015 - 15:07:49

J'ai la nausée rien que de relire ce que j'ai couché si douloureusement sur ces quelques pages. Mais je suis bien obligé si je veux que mon texte ne soit pas trop décousu.

Ah. J'y suis.

J'avais repris connaissance. Mes yeux s'ouvrirent et fixèrent l'imposante masse d'eau qui planait au-dessus de moi. Une impression bizarre m'engloba. J'avais l'impression d'être mouillé. En palpant le Sol autour de moi je découvris que j'étais effectivement cerné de liquide. Quand je passai ma main devant mon regard je réalisai que c'était du sang.
Mon sang.
Grand Dieu ! Je détectai rapidement la provenance de tout ce cruor. Mon nez ainsi que mes oreilles s'étaient mis à saigner pendant mon Coma colorant d'écarlate le Sol, me baignant d'une auréole rouge. Et puis un gargouillis sonore et douloureux fini de me réveiller. La faim me tiraillait presque autant que l'angoisse qui m'envahissait toujours plus fermement.
Et cet écoulement blasphématoire qui ne cessait son plic-ploc plic-ploc. Démembrait méthodiquement le peu de raison qu'il restait en moi.
Et cet exactement à cet instant que j'entendis un souffle. Une brise que je n'avais pas réussi à oublier. Tout juste avais-je réussi à la refouler parmi les rêves et les chimères impalpables et éthérées qui peuplent l'esprit. J'avais naïvement pensé que ce que j'avais vécu des années auparavant n'était qu'un affreux cauchemar. Hélas la vérité est tout autre. Une décharge parcouru mon échine et m'enveloppa.

Rassemblant le peu de force qu'il me restait, j'entrepris de quitter ce lieu impie et maudit.
Et c'est là. Là qu'il se matérialisa.
Le guetteur de ce Sanctuaire satanique.
La sentinelle de Cauchemar qui veillait sur son repère dément.
Et je le reconnu.
Immédiatement.
Cet œil monstrueux au milieu de cette masse de chairs informes et palpitantes entourée de "membres" improbables. Ce Léviathan d'épouvante et d'effroi dont la taille est proportionnelle à la peur qu'il inspire. Il flottait dans l’immensité liquide qui me surplombait.
Je poussais un cri comme j'ignorais en être capable. Un hurlement de terreur, de défaite et de pitié à la limite de l'humain.

Et comme la première fois, du fond de son antre liquide "il" se mit à rire.
Et comme la première fois il me saisi avec son "tentacule" répugnant.

Ma tête et mon corps semblèrent s’embraser et exploser en une myriade de petits bouts sous la décharge malfaisante de cet appendice mou. Ma vue se brouilla et mes sens se mirent à décrocher un à un. A la suite de quoi je perdis toute notion d’espace et de temps. J’eus l’impression de dériver en ayant pourtant la certitude de ne pas bouger. Des sons m’assaillirent mais comme directement implantés dans ma tête et non par le truchement de mes oreilles. De la même manière des images me vinrent malgré mes yeux clos. Je fus ainsi assailli de Visions détraquées où je discernais des êtres humanoïdes diformes et grotesques danser sur des rythmes tordus en mimant des simulacres d’accouplements honteux et contre nature. Puis s’entredéchirer et se dévorer les uns les autres dans un bain de sang, sous le regard « satisfait » de plusieurs monstres semblables à ma Nemesis. D’autres Visions d’horreur se succédèrent marquant irrémédiablement mon esprit d’une noirceur indélébile et poisseuse. Quand ma Visions revint sur des choses « réelles » j’étais perché sur une sorte de pyramide de basalte flottant dans l’air. Des traces gluantes zebraient la surface lisse du tetraedre rocheux. Je compris que c’était la masse que j’avais aperçu quelques temps auparavant d’en dessous l’eau. Au dessus de moi, loin, dans le plafond de cette grotte, se trouvait un Orifice d’où s’écoulait, comme au ralenti, de l’eau qui se mêlait sans bruit au lac souterrain.
Trempé jusqu’aux os je grelotais en proie à une sensation de froid intense. J’étais sûr que j’allais mourir ici, au fond de ce lieu maudit. Loin, très loin de mes semblables et de la caresse du soleil. Mes forces m’abandonnant je m’affessais comme un pantin auquel on aurait coupé tous les fils. Et je restai là, amorphe, le regard perdu dans le vague. Mes paupières se fermèrent une fraction de seconde. Juste le temps de percevoir une autre vision de folie. Puis le « plafond » réapparu. Peut-être me semblait-il plus près qu’avant. Ensuite…
J’ai dû m’assoupir car je n’ai absolument aucun souvenir de la manière dont je suis reparti de cette antre d’aliénation et de noirceur pour me retrouver à la surface, au bord de la moraine, à seulement quelques mètres de la crevasse qui m’avait avalé.

D’après ce que je sais c’est un guide qui m’aurait découvert, inconscient, dans la neige, à moitié gelé. La seule chose que j’ai pu savoir c’est qu’il a affirmé qu’il y avait d’étranges traces dans la neige autour de mon corps et que j’avais du sable noir et du sang sêché sous les ongles. Il paraît que lorsque j’étais dans le coma il m’arrivait d’avoir des périodes agitées pendant lesquelles je bredouillais des borborigmes incompréhensibles et menaçants. Et surtout il paraît aussi que lorsque je repris « conscience » les deux premières choses que j’ai faites furent : un de hurler comme si on m’arrachait la peau du dos, deux d’aggresser la pauvre infirmière qui se trouvait là. On m’a dit que j’ai tenté de… Mon dieu… J’ai apparemment tenté de faire la même chose que ces être difformes que j’ai vu dans mes visions cauchemardesques sous l’emprise de ce monstre. Ils se sont mis à plusieurs pour me maîtriser et me faire taire. Je vociferais comme un damné, les yeux fous injectés de sang, les pupilles dilatées à l’extrème, la bave aux lèvres.

Il est l’heure.
Nous sommes au milieu de la nuit. Il n’y a pas de lune. Je sort de ma cachette des dizaines de médicament et le flacon d’alcool.
Tout avaler…
Je dois tout avaler…






Note : Nous avons trouvé la cellule vide ce matin. Aucune trace de notre patient. Tout était bien fermé. Il y avait bien une bouteille d’alcool vide par terre. Sa cellule était pourtant fermée à clef lorsque nous sommes arrivés. La seule chose que j’ai pu noter c’est la présence d’une substance gélatineuse dans la grille d’aération. Que s’est-il passé ? Nous ne le saurons jamais. A moins que cet homme ne fût pas du tout aliéné et que son récit ci-avant soit le résultat de faits qui se soient réellement passé.

Dr Pierre Dietrich,
Psychiatre




PS : Hier j’ai appris qu’un corps dont la description correspond à celle de notre patient disparu il y a deux jours a été retrouvé près de Lorient, dans une flaque pâteuse et nauséabonde, nu et atrocement mutilé.