Le fait de revire tout ça m'a fait perdre mes repères et je n'ai pas vu arriver l'aurore. J'ai failli me faire surprendre par le surveillant. Et aujourd'hui j'ai perdu un temps précieux car c'est le jour du bain et de la promenade obligatoire. Je n'ai donc pas
Pus finir mon histoire. Par contre j'ai réussi à subtiliser un flacon d'alcool qui devrait m'aider quand viendra le moment de partir.
J'avais atteint le niveau zéro, enfin le niveau de la mer. Je le sais car je fut immédiatement agressé par une odeur nauséabonde que je ne connaissais que trop bien et que j'avais fuis. Vous savez de quoi je parle ? Cette puanteur écœurante que produit l'iode répugnante, le varech pourri et les mille choses immondes qui vivent et meurent dans l'horrible masse liquide qu'est la mer. La sournoise. La dévoreuse.
Ma glissade prit fin avec cette flagrance infecte. Mon corps s’immobilisa sur une surface sablonneuse, noire et humide. A bout de force je me forçais néanmoins à m’asseoir et tenter de reprendre le contrôle de mon esprit. J’étais à quelques mètres seulement d’une immense étendue d’eau salée. Ici la clarté avait quand même un peu diminuée et je ne pouvais voir qu’à quelques dizaines de mètres seulement. Au
Sol des coquillages étranges, ou du moins c’est tel que je pourrais éventuellement tenter de les décrire, se déplaçaient ça et là, dessinant des motifs géométriques horribles, le tout dans un
Silence douloureux. Une petite quinte de toux surgit de ma gorge, brisant ce calme oppressant et envoyant une onde sonore qui fut complètement absorbée. Comme si je me trouvais dans une pièce remplie de coton. Sauf que j’étais dans un lieu illimité. Une envie me prit et je criai un son fort et puissant… Il fut absorbé lui aussi. Pris de panique je réitérai l’expérience et à ma grande surprise et incompréhension je perçus un écho. Le même que celui qu’aurait produit mon cri dans les montagnes.
D’ailleurs, en y réfléchissant bien, j'étais en fait aux pieds de montagnes dans la montagne... Avec à mes propres pieds, la mer. Cette entité liquide avait réussi à me rejoindre, ou plutôt à m'attirer à elle alors que je m'en étais éloigné de plusieurs centaines de kilomètres.
Et maintenant ?
Qu'allais-je faire ?
Les étranges coquillages continuaient leur sarabande mathématique traçant sans relâche leurs symboles invraisemblables en émettant maintenant des bruits qui me rendaient nerveux. L'eau jusque là parfaitement calme et lisse s'était mise à onduler malgré l'absence totale de vent. Cela se traduit par l'apparition d'un minuscule clapotis qui se chargea rapidement d'effluves nauséabondes qui n'avaient de but que de celui de me faire craquer. Et cela fonctionnait à merveille. Entre ces vaguelettes démoniaques pestilentielles et les mollusques infernaux mes nerfs étaient rudement abrasés.
Et ce n'était qu'un début...
Oui. Le début.
Car ceci ne constituait que le prélude à la plus horrible expérience qu'un humain puisse subir.
Sans m'en rendre compte, mes mains s'étaient portées à mes oreilles dans une vaine tentative de taire ces affreux bruits. Un courant d'air glacial dans mon dos me fit frissonner comme jamais. J'avais la nette impression que quelque chose était apparu derrière moi. J'étais tétanisé et l'idée même de me retourner était impossible à formuler. Je savais que quoi qu'il puisse se passer dans mon dos, ce ne pouvait être qu'insanité et effroi. Quand la tentation de me retourner fut plus forte que l'épouvante que je vivais, je pivotais la tête.
Mon dieu. J'ai des hauts le cœur quand j'y repense. Il faut que j'aille...
Désolé pour cette interruption, mais j'ai rendu l'intégralité de mon repas sur mon lit. J'en connais un qui ne va pas être content. Bien fait pour lui, ce n'est qu'un sale... Type. Un sale type. Je n'arrive plus à me concentrer. Les remontées acides me brûlent. Il faut absolument que je finisse. Car vous ne savez toujours pas ce que j'ai vu, entendu, touché au fond de ce monde à l'intérieur du monde.
J'avais pivoté ma tête, les yeux clos. La peur celait hermétiquement mes globes oculaires. S'il n'y avait pas eu ce bruit je crois que je n'aurais jamais eu la force de contempler l'impensable. Mais en entendant ce son inconnu ma curiosité (quel très vil défaut) prit le dessus et mes paupières sautèrent. Et je vis. Cette entité gravée dans la façade de roche luisante qui me scrutait de son regard lithique antédiluvien. Sa ressemblance conforme au monstre de mon souvenir me donna l'impression que j'étais de nouveau confronté à cette abjecte chose. Ma température corporelle chuta d'un seul coup pour passer en négatif... Instinctivement je reculais de manière désordonnée en proie à une panique viscérale et incontrôlable. Ce n'est que lorsque mes mains rencontrèrent l'eau froide que je stoppai ma reculade. Et ce n'est qu'alors que je réalisais qu'il ne s'agissait que d'une sculpture. Mais si réaliste et si menaçante que j'avais vraiment cru être devant le modèle original. Au milieu de sa gueule informe se dessinait une ouverture dans laquelle j'apercevais un escalier. Une longue succession de marches s'enfonçant encore plus loin dans les entrailles de la terre guidant le fou ou le téméraire vers les secrets des origines du monde. Ma raison m'avait-elle déjà quittée lorsque je m'approchai de la gueule béante pour tenter d'y discerner quelque chose ? Je ne saurais le dire, mais je pu distinguer deux choses : la première, la source du bruit qui m'avait fait ouvrir les yeux qui n'était autre qu'une espèce de ver de vase monstrueux, blanc laiteux et immonde, bicéphale de surcroît, dont les nombreux yeux atrophiés et rouges semblaient néanmoins capable de percer la pénombre ; la seconde, que l'escalier ne semblait pas s'enfoncer sous les eaux mais bel et bien dans un tunnel dont je ne pouvais apercevoir le bout. Une fois l'horreur blanchâtre rampante et ondulante passée je senti une sorte d'attraction prendre possession de mon corps et m'enjoindre de descendre marche après marche vers l'inconnu.
J'aurais dû compter les marches. Ca m'aurait donné une vague idée de la profondeur supplémentaire que j'atteignais. Je...
Non.
Si.
Pardon.
Continuer. Je dois continuer.
Je débouchais devant une stèle gravée de symboles abscons et hideux sur lesquels je ne m'attardai point et passai outre. J'arrivai devant une ouverture sur ma gauche. Il y régnait une clarté ondulante qui m'intrigua. Je passai le porche de pierre et accédai à une pièce de taille colossale dont le sol était parfaitement lisse et noir et reflétait la luminosité qui m'avait attirée. Machinalement je levai la tête pour réaliser avec incrédulité que ce qui créait cette luminosité mouvante n'était autre qu'une formidable masse liquide qui filtrait la lumière de la grotte principale au dessus. Par je ne sais quelle force incompréhensible le plafond était l'eau qui se trouvait dans la caverne où j'avais échoué après mon infinie glissade. Un vertige inimaginable m'envahi. J'avais la sensation de me trouver les pieds au plafond au dessus d'un lac, or c'était bien l'inverse qui se passait. Il me fallu un bon moment pour me ressaisir. A travers l'élément liquide je distinguais une forme grisâtre qui semblait soit être immergé, soit flotter à la surface, enfin l'autre surface de cette nappe bipolaire. Comment aurais-je pu sortir indemne de cette expérience ? J'avançais, guidé par je ne sais quelle pulsion. N'importe qui, sain d'esprit, aurait rebroussé chemin depuis longtemps. Mais je continuais ma progression en boitant dans ce milieu irrationnel. Ça et là des ustensiles inconnus trainaient sur le sol. Un peu plus loin je découvris des sortes de jarres qui contenaient un immonde et inquiétant liquide visqueux blanchâtre à la surface duquel flottaient des espèces de « raisins secs » rouges bordeaux et dont l’odeur me retourna les tripes. Je pouvais discerner sur les murs, ou devrais-je plutôt dire les parois, d’autres sculptures que celles de la stèle. Des bas-reliefs. En m’approchant je pus, avec horreur, me rendre compte qu’ils représentaient des monstres horribles dont certains me semblaient « familiers ». Autre chose abjecte. Toutes ces sculptures semblaient avoir été exécutée sans l’aide d’outil. Les parois semblaient avoir été gratté par des milliers d’ongles déments. De temps à autre il me semblait ouïr des sons semblables à des discussions entre des êtres d'un autre univers. Malgré cela tout me semblait vide et abandonné depuis des lustres. Et pourtant. Je me sentais épié en permanence par des milliers d'yeux pervers et immatériels. Puis il me sembla distinguer au loin le bruit connu et caractéristique qui avait quelque chose de tellement normal qu'il me rassura un instant : quelque part s'écoulait une petite quantité d'eau en faisant ce plic-ploc si reconnaissable. Je me précipitai en claudiquant le plus vite que me permettait mon genou démis dans la direction d'où provenait cette douce et providentielle mélodie.
Bien mal m'en a pris.
Je hais l'eau.
J'abhorre ce liquide détestable !
J'accédais après une course des plus harassante, en nage, devant une zone comment dirais-je ? Chaotique, voilà le terme le plus approprié... Il y avait bel et bien quelques écoulements d'eau. Mais.
Et oui, il y a un "mais".
Mais ces écoulements s'effectuaient aussi bien de bas en haut, normalement serais-je tenté de dire, mais aussi dans le sens inverse ! Au même endroit se télescopaient deux notions inverses et contradictoires. L'eau chutait ET remontait.
Mes jambes se dérobèrent.
Ma chute provoqua un son étrange. Un bruit sec et caverneux dans lequel une étrange harmonique filtra en s'amplifiant encore et encore de manière diabolique afin de me submerger.
Je perdis connaissance.
Faute de place sur ma dernière page je dois stopper mon récit pour trouver de nouvelles feuilles.
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